Pertes de contrôles naturels

L’écran d’ozone stratosphérique s’étage entre 18000 et 37000 m environ.
Sa mesure s’effectue en unité Dobson (du nom du scientifique qui l’a conçue), chaque unité représentant 10 micromètres (soit 0,01 millimètre).
Malgré ce peu d’épaisseur, il protège efficacement des ultra-violets rayonnés par le soleil.
Mais l’écran d’ozone stratosphérique contrôle aussi un certain nombre de mécanismes naturels, sérieusement mis à mal par la diminution de sa surface.
Des mesures opérées dans l’océan Austral ont montré une baisse affectant jusqu’aux deux-tiers de la production de phytoplancton : lorsque l’écran d’ozone atteint moins de 300 unités Dobson, la concentration de chlorophylle diminue, occasionnant une moindre activité planctonique.
Dans ce même océan, la déplétion de l’écran d’ozone se traduit par une diminution de ses capacités d’absorption de gaz de serre : en temps normal, cet océan absorbe à lui seul 15 % des émissions humaines de CO2.
L’évolution de la concentration d’ozone depuis 1975 ne le permet plus : sa présence continûment en baisse fait que des vents plus puissants soufflent sur l’océan Austral, mélangeant eaux de surface et eaux plus profondes riches du CO2 précédemment absorbé, ce qui sature les organismes phyto et zoo planctoniques pourtant naturellement absorbeurs.
Plus largement, l’amincissement de l’écran d’ozone modifie la circulation atmosphérique dans les latitudes basses de la planète : cela a pour conséquence de favoriser l’accroissement de violentes précipitations du Pôle Sud à la ligne équatoriale, comme en ont récemment témoigné le Brésil, l’Afrique du Sud ou l’Australie.
La perte de contrôle des ultra-violets due à la diminution de l’écran d’ozone contribue également à la disparition des Amphibiens : 150 espèces ont disparu depuis 1980, alors que leur rythme naturel d’extinction est d’une variété tous les 250 ans.

Leurs œufs dépourvus de coquilles et leur peau perméable subissent de plein fouet l’augmentation des rayons ultra-violets atteignant la terre : ils sur-activent alors la virulence d’un champignon microscopique, Batrachochytrium Dendrabatidis, qui déforme leurs membres antérieurs.
Bien sûr, ce champignon est certainement présent depuis les 360 millions d’années qu’il y a des Amphibiens sur la planète, de même que bien des diminutions d’ozone ont eu lieu durant cette longue période : mais ces dernières s’étalaient sur des milliers d’années, non sur quelques décennies, laissant le temps aux systèmes immunitaires des Amphibiens de contrecarrer les agissements de ce parasite.
De surcroît, le trou d’ozone ne mesurait peut-être pas 5 fois la surface de l’Allemagne, tant au Pôle Sud qu’au Pôle Nord…
Quoi qu’il en soit, se priver des gros mangeurs d’insectes vecteurs de nombreux virus, dengue, palud chick, ou virus du Nil Occidental (désormais présent, par exemple, en Camargue)… que sont les Amphibiens ne peut que favoriser l’expansion de ces pathologies.
Dans la mesure où, dans le système solaire, l’écran d’ozone stratosphérique est propre à la seule terre, il est probable que d’autres pertes de contrôles naturels sont à déplorer du fait de sa déplétion : ces quelques exemples ne sont que le reflet des recherches menées jusqu’à présent.

 

Sources :

- Le Pôle Nord perd aussi sa couche d’ozone, Le Parisien, 03.10.2011.
– Impact of polar ozone depletion on subtropical precipitation, Science, 21.04.2011, disponible en français sur Physorg.com, même date.
– Sunbathing not good for tapdoles, Physorg, 17.02.2011.
– Stratospheric ozone depletion reduces ocean carbon uptake and enhances ocean acidification, Geophysical Research Letters, 20.06.2009, Physorg, 24 idem.
– Effets du trou de la couche d’ozone sur la production de phytoplancton, Bulletins Electroniques, 04.09.2006.

Eco(cide) tourisme(3)

Bon nombre des 35 millions de vols commerciaux planétaires effectués annuellement sont voués à transporter des touristes.
Vecteurs principaux du développement touristique, les 247 milliards de litres de kérosène actuellement nécessaires aux courts, moyens et longs courriers ne sont pas sans conséquences sur l’environnement.
En effet, leur combustion dégage des molécules de suie et de l’acide sulfurique formant un air chaud et humide.
Son contact avec l’air froid et sec des altitudes produit des nuages artificiels ayant les mêmes propriétés que les cirrus naturels : ils emprisonnent davantage la chaleur de l’atmosphère qu’ils ne renvoient le rayonnement solaire vers l’espace.
Cet apport radiatif supplémentaire renforce le changement climatique : par exemple, il explique à lui seul 20 % du réchauffement de l’Arctique.

Au surplus, en 90 ans d’existence, les activités professionnelles liées à l’aviation ont réchauffé l’atmosphère de 0,15 wt/m-2 (le soleil de 0,30 depuis 1750).
Mais des pollutions s’ajoutent aussi du fait du trafic aérien touristique.
L’encombrement des aéroports lors des grands départs condamne de nombreux avions à attendre, moteurs en marche, ou à rouler au ralenti : la photo-oxydation par le soleil des goutelettes d’huile alors émises les transforme en particules fines pénétrant profondément les poumons humains.
Dans les quartiers résidentiels proches des petits aéroports pour jets privés, leurs niveaux sont de 2,5 à 10 fois plus élevés que les normes tolérables.

Quant aux améliorations technologiques à venir, le doublement du trafic aérien actuellement en cours surpassera largement leur rythme et l’efficacité énergétique qu’elles permettront d’obtenir.
Cette dernière repose en partie sur l’utilisation du kérosène « vert », à base d’huile issue de végétaux.
Mais la produire revient à émettre en moyenne 10 fois plus de CO2 que la production de kérosène classique (55 fois plus si c’est à partir d’huile de palme).
De surcroît, 200 millions d’ha seraient nécessaires pour satisfaire la consommation des 3 litres/passager aux 100km indispensables à l’actuel trafic aérien.
Enfin, les décollages d’avions se heurtent de plus en plus souvent à l’une des nombreuses conséquences du réchauffement global.
En effet, la hausse des températures atmosphériques mène à augmenter l’humidité de l’air.
A son tour, celle-ci fait chuter la densité de ce même air atmosphérique, ce qui diminue d’autant la portance des appareils, qui ont alors besoin de distances plus longues pour décoller à certaines heures de la journée.

Face à cette situation, deux attitudes sont possibles :
– allonger les pistes d’envol existantes, au risque de les rapprocher dangereusement d’habitats ; d’installations classées Seveso ; de centrales nucléaires (par exemple à Lydd, dans le Kent)…
– faire décoller les avions tôt le matin ou tard le soir, comme cela se pratique dans le centre et le sud des Etats-Unis, avec la conséquence que tout ou partie des vols s’effectue de nuit, période durant laquelle les nuages artificiels évoqués plus haut acquièrent un potentiel de réchauffement atmosphérique 2 fois plus élevé que le jour.

 

Sources :

- L’avion condamné à voler plus vert, Metro, 08.09.2011.
– Dans le Kent, bataille autour de l’extension de l’aéroport de Lydd, Le Monde, 08.06.2011.
– Idling airplanes produce more harmful pollution than previously throught, Physorg, 12.05.2011.
– Quantifying variability in life cycle greenhouse gas inventories of alternative middle distillate transportation fuels, Environmental Science and Technology22.04.2011 ; disponible en Français sur le site internet Science Daily.com, 11.05. idem.
– Global radiative forcing from contrail cirrus, Nature Climate Change, 29.03.2011, Physorg,  31. idem.
– How aircraft emissions contribute to warning, Nature News21.12.2009;disponible en français sur le site internet climatechangepsychology.blogpost.com.
– Aircraft emissions impacts in a neighborhood adjacent to a general airport in southern California, Envtl Sc and Tech, 01.10.2009 ; Physorg 18.11. idem.
– A warmer world could make current airport runways too short, Christian Science Monitor, 10.09.2009 ; climatechange… 11. idem.
– Resetting global expectations from agriculture biofuel, Environmental Research Letters 01.2009 ; disponible en français sur le site internet Econologie.com, 04.02. idem.
– Carbone missions from aviation graving rapidly, Physorg, 27.06.2006.
– Does commercial jet traffic affect climate ?, Physorg, 08.12.2005.

Que d’eau, que d’eau

Faire beaucoup avec peu appartient aux multiples intelligences de la nature.
Dans les milieux extrêmes qualifiés de déserts, les captations de la rare ressource hydrique en sont des illustrations.
Au Sultanat d’Oman, dans les montagnes du Dhofar, une forêt survit au beau milieu du désert en recueillant les goutelettes d’eau qui émanent des brouillards issus des nuages.
Les arbres les stockent ensuite dans les sols et les utilisent lorsque la météorologie n’amène pas ces brumes, ne pouvant compter sur des précipitations, rarissimes en cette région.
La variété de chauve-souris Pipistrellus Khuli a opté pour une autre stratégie afin de triompher du manque d’eau propre aux déserts.
Elle a modifié la graisse de sa peau dans le but qu’elle retienne mieux les apports hydriques des rares abats de pluie.
Objectif atteint : elle conserve 20 % de plus d’eau que ses consoeurs vivant dans des biotopes non désertiques.

La bien nommée rhubarbe du désert procède un peu de la même façon.
En Israël, le désert du Néguev prodigue en moyenne 75 mm de précipitation chaque année.
Pourvue de feuilles pouvant mesurer jusqu’à 1m de diamètre, cette plante utilise les cuticules cireuses dont elles sont recouvertes comme des canaux d’irrigation.
Elle récupère ainsi 426 mm d’eau par an, soit presque 6 fois plus que le total des précipitations annuelles, qui pénètrent ensuite dans les sols, jusqu’à 10 cm de profondeur.
Ces exemples sont à comparer avec l’immarcescible espèce humaine à laquelle il faut 13000 unités de dessalement d’eau de mer, 850000 barrages d’eau douce, 165 milliards de m3 d’eaux usées traitées chaque année, etc… pour satisfaire ses envies d’or bleu.
Il faut dire que lorsqu’une puce électronique pesant 2 grammes nécessite 75 litres d’eau pour sa fabrication…

 

Sources :

- For desert bats,the secret to survival is skin deep, disponible en Français sur le site internet, Treehugger.com, 01.07.2010.
– Desert rhubarb,a self irrigating plant, disponible en Français sur le site internet, Newswise.com, 01.07.2009.
– Massachusset Institute of Technology team describes unique desert cloud forest, Physorg, 06.09.2006.

 

JEAN-LUC MENARD