Commentaire Blog d’un écologue : novembre 2015 - 17/12/15
Médicaments naturels efficaces
De nombreux individus d’espèces animales et végétales recourent, en toute conscience de cause, à des substances naturelles afin de faciliter la vie de leur progéniture ou la leur propre.
Par exemple, les papillons monarques femelles pondent préférentiellement leurs œufs sur les 140 espèces d’asclépiades (des plantes herbacées) dont bon nombre sont dotées, entre autres substances, de concentrations de cardénolides (des types de stéroïdes naturels) qui conduiront à la mort prématurée des parasites internes des futures chenilles.
Pour le même genre de raison, les oiseaux moqueurs, également appelés rossignols d’Amérique, accueillent avec faveur les œufs des vachers luisants (des passereaux) dans leurs nids, car ils sont porteurs d’agents chimiques efficients contre les parasites : un processus à l’avenir assuré, car, grâce au réchauffement, les vachers luisants se sont récemment répandus d’Amérique du Sud vers les Antilles et le sud de la Floride, en attendant d’autres expansions.
C’est à ce qui serait pour nous, humains, une ivresse mortelle que prépare pour ses larves Drosophilia Mélanogaster, une mouche de 3 à 4 millimètres de long. Plusieurs variétés de guêpes ont en effet la mauvaise manière de pondre leurs œufs dans ses larves, en vue de les dévorer de l’intérieur. C’est pourquoi cette mouche pond ses œufs sur des fruits : les larves les ingèrent, des levures et protéines les transformant en alcool (à tel point que ces larves atteignent un taux d’alcoolémie sanguin égal à 10 %). Cet alcool développe alors une puissante toxine propre à éliminer 60 % des œufs de guêpes.
Dans les agglomérations urbaines planétaires, nouveaux eldorados pour nombre d’espèces animales et végétales, roselins, moineaux, pinsons… ont bien compris le haut intérêt de récolter… des mégots de cigarettes. En effet, la nicotine qu’ils contiennent dégage des toxines suffisantes pour éloigner des nids de mites et acariens indésirables. Ils ont probablement appris cela de la plante sauvage Nicotiana, tout comme les larves des papillons sphinx qui mangent la nicotine des plants de tabac : elles l’excrètent ensuite, dispersant alors des nuages de répulsifs qui dissuadent les araignées-loups de les manger.
Les plantes, quant à elles, peuvent compter sur de nombreux micro-organismes : par exemple, les 160 espèces de trichodermes (des champignons ou des moisissures) sont souvent équipés de gènes spécialisés dans la perception des caractères sensibles du monde extérieur et alertent ainsi les plantes de maladies les menaçant, les néophytes (des bactéries ou des champignons) jouant des rôles similaires auprès des arbres.
Sources :
- Tobacco hornworm found to use nicotine to create « defensive halitosis », www.phys.org, 31 décembre 2012
- Le mégot, matériau de construction du moineau Mexicain, Le Monde, 29 décembre 2012
- Fruit flies medicate their larvae with alcohol, www.phys.org, 22 février 2012
- Fruit flies use alcohol as a drug to kill parasites, www.phys.org, 16 février 2012
- Monarch butterflies use medicinal plants to treat offspring for disease, www.phys.org, 11 octobre 2010
Médicaments naturels illusoires
On portrait croire les poudres de perlimpinpin, autrefois vendues comme panacées par des charlatans, reléguées aux musées des souvenirs : il n’en est rien.
Témoins les 5 000 lions et 6 000 tigres élevés en captivité, respectivement en Afrique du Sud et en Chine, dans le but principal de « soigner », entre autres, la malaria. Ou encore les 1 215 rhinocéros tués en 2014 en Afrique du Sud (contre 13 en 2007), où vivent 80 % de leur population mondiale, dont les cornes préalablement pilées acquièrent des vertus de « remèdes ». Sans parler des geckos (des lézards) qui, une fois séchés et dûment pulvérisés, « guérissent » du sida et du cancer : rien qu’à Taïwan, 15 millions d’entre eux ont été importés des Philippines, de Malaisie, d’Indonésie… de 2004 à 2012.
Un pas supplémentaire est franchi lorsque les « médicaments » sont contaminés dès avant leurs emplois. C’est par exemple le cas de nombre de plantes « médicinales » chinoises : chrysanthèmes, chèvrefeuilles, jujubes, bulbes de lys… démarrent les « traitements » percluses de 42 résidus de pesticides différents, dont 18 interdits en Europe, et 3 en Chine même.
Et que dire de l’empoisonnement volontaire de vautours à capuchons et de milans noirs (parmi beaucoup d’autres rapaces) pratiqué en vue de leurs captures en Afrique, sinon que l’utilisation des poudres ainsi contaminées qui en sont issues risque de soulager encore moins migraines et épilepsies. Quant à administrer de la bile d’ours pour apaiser douleurs et fièvres, on ne peut s’empêcher de rapprocher l’enfermement à cet effet de 50 000 ours noirs (rien qu’en Chine et Vietnam) du fait de leurs classements « en voie de disparition » en Asie…
Ces comportements humains inopportuns sont à associer à d’autres, tout aussi peu reluisants :
- Dans les parcs zoologiques et aquatiques planétaires, plus de 15 000 animaux sont tués chaque année ;
- Rien qu’aux USA, les chats de compagnie occisent 3,7 milliards d’oiseaux/an ;
- 136 pays fabriquent leur papier à partir de bois issus de forêts primaires composées d’essences rares ;
- 500 millions de poissons sont capturés annuellement pour alimenter les aquariums domestiques ;
- 350 millions d’individus appartenant à des milliers d’espèces végétales et animales font chaque année l’objet de trafics illégaux, etc.
90 % des espèces qui disparaissent sont victimes de ces pratiques alors que seulement 10 % de ces disparitions sont à attribuer au réchauffement, pollutions et pertes d’habitats. La nature s’adapte sans problème particulier aux changements environnementaux, mais a bien plus de mal avec les nombreuses attitudes directement prédatrices des humains… qui se gardent de les inscrire au programme d’une conférence mondiale.
Sources :
- Growing numbers of rhinos poached for horns in South Africa, www.phys.org, 30 août 2015
- Raptors in West and Central Africa threatened by trade for bushmeat and fetish, www.phys.org, 24 août 2015
- Les pesticides contaminent jusqu’aux plantes médicinales chinoises, Greenpeace, 04 juillet 2013,
- L’appétit asiatique pour les os de lions fait la fortune des élevages d’Afrique du Sud, Le Monde, 09 mars 2013
- Les « fermes » de tigres en Chine accusées d’alimenter un commerce clandestin pour la médecine traditionnelle, Le Monde, 27 février 2013
- Chinese scientists call for ban on bear farming, www.phys.org, 26 avril 2012
- Activists urge protection of hunted gecko species, www.phys.org, 16 novembre 2011 Â
Précoces impacts (3) : bruits de bottes
Au début du XXIIe siècle avant J.C., de faibles variations climatiques ont créé sécheresse et manque d’eau dans la région entourant l’empire akkadien qui couvrait alors les actuels Irak et Syrie.
S’en sont suivis famines, afflux de migrants, militarisation de cet empire, puis des affrontements armés qui ont conduit à l’élimination de l’empire akkadien, comme celle des migrants.
Entre 2006 et 2010, la Syrie a connu sa pire et plus longue sécheresse du XXe siècle, y provoquant une baisse d’1/3 des récoltes, un doublement du prix des céréales, et une migration d’1,5 million de personnes des campagnes vers les villes.
Pourtant, en Syrie comme ailleurs, les problèmes environnementaux ne constituent actuellement que la seconde cause des migrations. En effet, d’ores et déjà , 60 millions de personnes sont des réfugiés de guerre, 37 millions des réfugiés environnementaux. A ce jour, 86 % d’entre eux sont accueillis par des pays pauvres ou émergents, 14 % par des pays riches.
Cependant, une seconde vague a commencé à s’ébranler et se déploiera sur les années qui viennent :
- 50 millions au titre de l’aridification de leurs terres ;
- 50 millions poussés à émigrer par les déplacements répétés qu’ils subissent du fait des catastrophes naturelles, notamment ouragans et inondations.
Les pollutions affectant leurs sols agricoles mènent la Chine, le Japon, les USA, l’Union Européenne, etc. à annexer plus de 70 millions de terres cultivables en Afrique, Asie et Amérique du Sud principalement, en chassant les individus qui y vivaient : ces derniers deviennent alors des migrants supplémentaires.
Le passage de 30 conflits armés en 2010 à 44 en 2013, associé d’une part à  des accroissements exponentiels d’achats et de ventes d’armes entre 2010 et 2014 et d’autre part à  des émigrations en forte augmentation - 10 000 personnes/jour en 2010, 42 000 en 2014 (soit de 3,6 ms à 15 ms/an) -,
laisse penser que l’espèce humaine s’apprête à « régler » les innombrables problèmes religieux, économiques, ethniques, environnementaux, financiers et sociaux qu’elle s’est elle-même créés par de multiples confrontations guerrières, militaires et civiles, comme elle l’a fait tant de fois durant les 10 000 dernières années.
La généralisation planétaire de ces stades suprêmes de violence est d’ores et déjà précédée de comportements de niveau moindre, mais cependant significatifs :
- Quelques dixièmes de degrés supplémentaires de température atmosphérique causent des hausses de violences domestiques (Australie…), ethniques (Europe, Asie…), criminelles (USA, Tanzanie…) ;
- Des diminutions de précipitations liées à des moussons défaillantes entraînent des augmentations de 8 % des assassinats de femmes en Inde.
A l’inverse,
- Des inondations excessives répétées au Pakistan y suscitent des accusations proférées par des djihadistes : « l’Inde a ouvert ses barrages pour noyer le Pakistan » ;
- Accumulés au fil du temps, des droits d’utiliser 5 fois plus d’eau que la quantité fournie par des précipitations satisfaisantes crée des tensions en Californie où une sécheresse sévit pour la 5e année consécutive.
La pétrodictature que devient le Canada depuis 2006 préfigure probablement le destin mondial des savoirs :
- Autodafés de plusieurs milliers de livres suite à la fermeture de 12 bibliothèques scientifiques ;
- Rideau de fer tiré entre la population et la communauté scientifique par l’obligation faite à cette dernière de soumettre leurs déclarations à un « bureau des relations avec les médias » ;
- Suppressions de dizaines de laboratoires et de centres de recherches sur le climat, l’écotoxicologie, les ressources halieutiques, la qualité de l’eau (alors que ce pays contient le plus grand nombre de lacs d’eau douce au monde)…
ect.
Sources :
- Lower rainfall could spark domestic violence dowry killings in India, www.phys.org, 18 juin 2015
- Did climate change help spark the Syrian war? www.phys.org, 02 mars 2015
- Far more displaced by disasters than conflict, www.phys.org, 17 septembre 2014
- California has given away rights to far more water than it has, www.phys.org, 20 août 2014
- Canada’s closure of science librairies riles researchers, www.phys.org, 11 janvier 2014
- Le Canada s’attaque à son patrimoine scientifique, Le Monde, 09 janvier 2014
- Climate strongly affects human conflict and violence worldwide, www.phys.org, 01 août 2013
- Journal urges Ottawa to stop muzzling scientists, www.phys.org, 02 mars 2012
- La désertification touche 1,5 milliard de personnes, Le Monde, 21 septembre 2011
Jean-Luc Ménard
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