Menace sur nos neurones : l’émission radio

Livre à lire, à offrir, à faire lire impérativement.

Menaces sur nos neurones de Marie Grosman et Roger Lenglet (paru aux éditions Actes Sud dans la collection « Enjeux de société ») est un livre décisif, qui procède à un état des lieux scientifique approfondi des causes de l’explosion des maladies du cerveau, dénonçant l’attitude des autorités et la paralysie de la prévention. Et qui montre comment stopper cette pandémie. Il s’agit à la fois d’un véritable travail de recherche, appuyé sur une analyse rigoureuse des données, et d’un ensemble de révélations sur l’affairisme qui entretient le fatalisme : un voyage scientifique documenté et impeccable dans sa glaciale véracité. En témoigne la quarantaine de pages de notes et de références qui nous scotchent à nos réalités toxiques sans aucun répit. Bien fait pour nous ! Nous prenons ici la mesure de notre ignorance…

Ce livre frappe donc avant tout par sa rigueur et l’approche très détaillée de chaque filière toxique, présentée d’une façon précise, à partir d’études ou vérifications qui sont pour la plupart cachées par les instances officielles ou restent confinées dans le cercle feutré des experts qui se gardent bien d’en parler dans les médias. On a beau se croire déjà «avertis», on doit reconnaître que ce livre est autant une découverte qu’une remise à niveau capitale.

Qu’il s’agisse de la transmission de substances neurotoxiques par la mère à son enfant via le cordon ombilical et le placenta, à la contamination par l’eau que nous buvons, les milles manières des métaux lourds de s’installer durablement parmi nos neurones, des médicaments inefficaces mais délétères qui participent à cet empoisonnement, sans oublier les particules ultrafines polluant l’air et entrant sous nos crânes par l’escalier de service qu’est le nerf olfactif, les épandages de boues toxiques, les adjuvants des vaccins et d’autres encore… nous comprenons vite que nous vivons dans une bulle éminemment toxique. Et au-delà de la seule description du système, les auteurs nous amènent à comprendre comment en déjouer les pièges, collectivement et individuellement.

Ce que nous ignorons, et que ce livre met en lumière, c’est d’abord l’augmentation vertigineuse du nombre d’affections neuropsychiatriques au-delà de la maladie d’Alzheimer, et la manière dont les autorités ont laissé courir ces pandémies. On y découvre, par exemple, que la maladie de Parkinson touche, non seulement de nombreux agriculteurs, mais aussi monsieur Tout le Monde. Et que l’augmentation du nombre de malades d’Alzheimer n’est pas liée au vieillissement de la population, contrairement aux informations qui nous en sont données. Au fil des pages, l’ouvrage démontre qu’au-delà d’une apparente négligence des autorités, une connivence existe entre les décideurs politiques, les leaders médicaux et les industries du médicament, jusqu’à pointer précisément comment ces dernières planifient leurs bénéfices et les partagent entre soi, dans une joyeuse ambiance de spéculation commercialisant les maladies, et investissent sur la multiplication du nombre de malades prévue pour les prochaines décennies. De l’art de s’enrichir en prétendant prendre soin des victimes qu’on cause soi-même… Les preuves qui nous sont données ici sont accablantes.

panneauxCe véritable «traité» de toxicologie et d’épidémiologie éclaire les abîmes de notre ignorance et nous réveille. On ne peut certes pas tout savoir et l’on craint communément de devoir se défendre de tout. Mais cette lecture est incontournable pour tous ceux qui préfèrent savoir comment faire reculer les causes neurotoxiques, plutôt que de les laisser s’installer en eux et continuer à faire des ravages dans la population. D’autant qu’au-delà du vertige ou des frayeurs que le lecteur peut éprouver dans un premier temps devant la dureté des vérités, il nous informe et nous oriente sur nos choix à venir. Résultat des courses : on est fasciné de bout en bout par la savante démonstration, on est dedans et on y reste. Et quand on la termine, on en sort changé : on se sent beaucoup plus fort. Cette révolution est parfaitement comparable à celle que l’on a vécue avec la découverte des microbes, d’abord refusée par le corps médical et l’opinion. Nous ne voulions accepter alors que des créatures invisibles à l’œil nu couvraient la surface du monde et dont certaines étaient la cause d’épidémies épouvantables de peste et de choléra tuant des millions de personnes. « On ne peut pas faire attention à tout et tout nettoyer tout le temps, laver nos mains entre chaque patient, et même nos ustensiles ! » se récriaient des médecins catastrophés. Changement de culture : il faut désormais aussi apprendre à se protéger des nouvelles molécules qu’on place dans notre environnement quotidien, dont certaines sont neurotoxiques à notre insu, quand d’autres sont cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques. Tout comme chaque virus qui est à l’origine de différentes maladies infectieuses. A ceci près que les auteurs indiquent un changement de paradigme : les toxiques chimiques interagissent entre eux, et beaucoup plus que ne le font les germes infectieux…


 

La relation des choses entre elles

On découvre l’extraordinaire imbrication des facteurs concomitants, du cumul de causes, grandes et petites, qui produisent un cocktail explosif de toxicité sur nos neurones. L’évidence des preuves est patente, de même que celle des actions à mener. Marie Grosman et Roger Lenglet montrent que nous sommes à l’âge de la relation des choses entres elles, un âge propre bien sûr à la mondialisation économique, mais se déclinant ici en une constellation de productions toxiques qui circulent sur tous les continents et entrent dans tous nos espaces, sans les garde-fous nécessaires. Mondialisation économique = mondialisation toxique. Celles que, depuis une paire de décennies, nous avons pu pressentir comme des menaces sont aujourd’hui des réalités qui se croisent et s’imbriquent, développant leurs racines dans chaque filière : médicaments, pesticides, additifs alimentaires, etc. qui tenaillent la terre et les humains qui l’habitent.

A travers ce livre nous percevons vraiment la fin de la linéarité, la fin de l’élément singulier à traiter singulièrement. Nous sommes connectés à un monde recomposé par des lobbies industriels et financiers, qui transforment tous les éléments pour les commercialiser sans égard pour la santé publique, diffusent les facteurs toxiques dans des réseaux auxquels il est difficile d’échapper, à moins d’apprendre à leur opposer des résistances habiles. Mais l’exercice est difficile si l’on considère l’air pollué que l’on respire, à l’eau aluminisée que l’on boit, la densité des ondes électromagnétiques qui saturent notre espace… Le résultat original de notre superbe civilisation est d’avoir introduit partout et dans une précipitation délirante, des dangers totalement inédits, alors que l’espèce humaine avait, en plusieurs millions d’années, à peine appris à connaître et à combattre certains dangers de la nature.

 

Cet automne, et assurément la sortie de ce livre y a contribué, quelques langues se délient, des études sont publiées, abordant des sujets tels que celui de l’inefficacité des médicaments contre l’Alzheimer et de leurs effets secondaires déplorables (clairement exposés par les auteurs). Il semble que les prises de conscience avancent, ou du moins, que les media osent enfin parler un peu plus de produits toxiques, de pesticides dangereux, de médicaments abusifs, bref, de notre cohabitation avec ces nouveaux poisons aussi divers que variés. Mais un autre des mérites de cet ouvrage est de nous montrer comment déjouer le flux incessant d’informations elles-mêmes toxiques parce que manipulées en vue de susciter des consensus passifs… Sa lecture nous incite à bien distinguer entre les sources et à puiser nos informations directement au cœur du milieu scientifique, plutôt que de nous contenter des articles édulcorés que diffusent les services communication d’un système affairiste, dont le seul objectif est de nous rassurer et nous pousser à consommer, chaque fois un peu plus, tout et n’importe quoi. Chemin faisant, nous découvrons que chacun d’entre nous peut entretenir une relation plus permanente avec le niveau de connaissances réel des scientifiques et y trouver de puissants motifs d’infléchir nos comportements, mais aussi de placer les décideurs devant leur responsabilité. Sujets économiques d’un système de consommation aveugle porté à son paroxysme, nous voyons avec quelle hostilité est perçue la simple idée de décroissance. Et ce, non seulement par certains économistes, qui devraient savoir analyser les limites ou nécessités du système, mais aussi, malheureusement, par les consommateurs eux-mêmes, pour lesquels elle signifie en réalité tout simplement consommer moins et échapper au processus de reconnaissance symbolique par la consommation. Car aujourd’hui la consommation plus que jamais ressentie comme nécessaire pour tenter d’exister en tant que sujet économique heureux et reconnu au sein de cette jungle mondialisée.

Il existe un lien étroit entre toxicité et consommation : c’est sur la compulsivité de la consommation de produits en tous genres issus de la chimie (médicaments, vaccins, nourriture industrielle, produits d’entretien, produits de toilette…) que les toxiques prospèrent. Et c’est pour ne pas «effrayer» les citoyens-consommateurs et pour éviter leurs réactions critiques, voire judiciaires, que les pouvoirs publics et agences de surveillance, censés nous protéger, laissent couler les choses, permettant aux grands actionnaires des sociétés transcontinentales qui vendent ces produits d’augmenter leurs dividendes.

Des solutions

Comment dès lors « renverser la vapeur » ? En commençant, en priorité, par enseigner la toxicologie aux médecins, ainsi que l’art de réduire, voire d’éviter de susciter, les compulsions médicamenteuses. De même, nous pouvons exiger de nos députés européens un sérieux renforcement des règles existantes sur les composants chimiques, mais qui aille bien au-delà du système d’évaluation et d’autorisation actuel  qui reste encore très facilement contournable. Les auteurs du livre formulent également un grand nombre d’autres actions concrètes, faciles à mettre en œuvre et permettant de réagir individuellement et collectivement.

Un trop grand nombre de personnes tombent malades à cause d’une trop grande ignorance. Les forces persuasives du lobbying des géants économiques orientent les mentalités vers la consommation des produits utiles à leurs propres bénéfices et occultent les informations qui leur nuiraient à coup sûr. Le problème est bel et bien celui de la qualité de l’information qui nous est distillée insensiblement et en permanence. La question de la manipulation de ce type d’information nous renvoie à notre capacité d’interrogation critique sur notre relation à l’environnement. Prendre conscience réellement que l’eau ne coule pas spontanément pure de nos robinets, que la terre autrefois nourricière se transforme en un simple support aux produits de l’industrie agrochimique, et que l’air des villes ne se respire plus sans risques, ne va pas de soi. L’eau, la terre et l’air sont les conditions sine qua non de nos vies, et nous peinons à devoir réfléchir à ce que nous buvons, mangeons et respirons. Ceci est encore plus vrai pour les jeunes générations. Heureusement, progressivement, une prise de conscience émerge.

Quel lien avec la démocratie ? Quand les auteurs démontent le puzzle infernal qui conduit les politiques et les autorités sanitaires à faire le jeu des industriels polarisés sur la rentabilité de cette clientèle captive que nous formons en tant que futurs malades, c’est bien à travers la question de santé publique, la question de la démocratie que ce livre nous oblige à regarder en face.

Michel Foucault nous invitait à « voir autrement » ce qui est déjà là, avant de vouloir le changer. Et nous devons en effet regarder aujourd’hui comme révolue cette époque où pensions avoir l’air à respirer et l’eau à boire «tout naturellement». Après la révolution pasteurienne, nous devons faire notre révolution toxicologique. Attention : ces matériaux toxiques sont rentrés dans nos vies sur l’air du « progrès », de la volonté de puissance ou de l’amélioration esthétique, voire morale (déodorants, cosmétiques, matériaux toujours plus performants…). Ils s’installent au cœur de nos organes, en particulier de notre cerveau, comme la bande d’amis qui, dans Orange mécanique, prend possession des lieux pour les détruire. Comment allons-nous nous défendre ?

Changer l’imaginaire

Tout cela nous oblige à aiguiser notre conscience et faire évoluer notre imaginaire du monde, ce qui peut impliquer une phase anxiogène, mais qui est le prix de notre lucidité et de notre capacité d’action. Nous pouvons nous sentir ignorants et innocents et/ou conscients et coupables, mais nous ne devons pas refouler cette prise de conscience. C’est pourquoi afin de défendre notre santé et notre capacité éthique dans ce monde lancé dans les transformations les plus inconséquentes, j’invite tout le monde à lire ce livre où se dessinent nos futurs comportements. J’invite également l’éditeur à publier une version simplifiée à l’usage des très jeunes générations, et à initier une campagne pour informer les adolescents de l’étrange chorégraphie dans laquelle ils devront mener la danse de leur vie. « Mieux vaut prévenir que guérir », et mieux vaut être vigilants que précautionneux. Sage chose que serait celle de pouvoir contrarier leur goût effréné des chips ou des bonbons aux additifs neurotoxiques comme la tartrazine et les métaux lourds. Quant aux adultes, il reste toujours vrai que savoir c’est pouvoir, c’est donc à vous de jouer.

Les auteurs

Roger Lenglet est philosophe et journaliste d’investigation. Du philosophe apparaissent dans ce livre, à travers la sagesse de la preuve, la rigueur de la réflexion, les faits inattaquables et la statistique confirmée, de même que la volonté de ne jamais glisser dans la critique gratuite. De l’auteur, on apprécie l’élégance de l’écriture avec laquelle il nous guide dans la jungle des recherches en les rendant passionnantes. J’ajouterai un regard sur l’investigateur ne craignant de plonger au fond des eaux saumâtres quand il le faut, et l’homme, militant opiniâtre auquel il faut rendre hommage. Marie Grosman est scientifique et sa connaissance des dossiers, en particulier celui du mercure, est infiniment précieuse. Elle représente l’Europe des associations mobilisées dans ce domaine auprès de l’ONU, qui travaille actuellement à un traité international de 140 pays qui doit interdire de nombreux usages du mercure. Il faut saluer son courage de dénoncer publiquement les dessous de cette affaire dans un livre qui démontre abondamment combien de scientifiques préfèrent se taire malgré le résultat de leurs recherches.

Chapeau aux auteurs pour cette prodigieuse enquête qu’ils approfondissent depuis quinze ans, parallèlement à leurs autres travaux. La balle est désormais dans le camp des citoyens qui vont devoir se retrousser leurs manches, non seulement pour le lire au plus vite, mais aussi pour s’organiser et exiger de toute urgence les changements nécessaires. Espérons qu’une prochaine édition nous proposera une préface «socio-philosophique» des auteurs, qui théorisera la révolution induite par ce livre, et qui permettra de suivre son impact notamment dans le milieu des associations de malades et au sein de la communauté médicale. Petite remarque sur le titre : son aspect « marketing » ne doit pas susciter de malentendu car son contenu n’a rien à voir avec de nombreux ouvrages à sensation qui sont à des années-lumière de celui-ci, aussi bien sur le plan scientifique que sur de l’analyse en profondeur qu’il mène sur la neurotoxicité de notre société (il a d’ailleurs failli s’intituler La société neurotoxique, nous a confié Roger Lenglet).

Cristina Bertelli

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L’indignation comme concept politique, dans Les périphériques vous parlent N°25

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