Loin de la sylviculture

Les monocultures d’arbres ont essentiellement deux impacts négatifs, quelles que soient les essences cultivées ou leurs lieux de culture :

- une seule essence ne dégage qu’une sorte d’odeur répulsive, dissuadant peu de sortes de parasites, et n’attire que quelques espèces régulatrices de prédateurs, alors que plusieurs essences présentes simultanément dissuadent des dizaines de genres de parasites, tant par de multiples effluves olfactives que par la multiplicité de leurs régulateurs (oiseaux, insectes, …) séduits par cette variété.

- des plantations massives d’arbres au même moment impliquent qu’ils ont les mêmes âges, ce qui réduit dès le départ leur alimentation en eau : en effet, ces âges similaires font que leurs racines vont chercher ce précieux liquide aux mêmes profondeurs, la où des arbres d’âges différents envoient leurs systèmes racinaires à des profondeurs diverses.

C’est pourquoi incendies et tempêtes occasionnent souvent d’impressionnants dégâts au sein de sylvicultures dévorées par de nombreux parasites (dendroctones, mineuses, scolytes, chenilles…) et affaiblies par un manque structurel d’eau.

Pourtant, suffisamment de mécanismes naturels  assurent, partout sur la planète, de solides garanties contre ces phénomènes.

 

Ainsi, en Californie, les 95 espèces locales de Manzanita (des arbustes à feuillage persistant) sont-elles aidées par les souris, campagnols et rats-kangourous qui ouvrent leurs fruits et en enterrent les graines pour plus tard… ou jamais, car la mémoire n’est pas le fort de ces animaux.

Cependant, les graines non retrouvées par ces thésauriseurs étourdis germent après une tempête ou un incendie, d’autant que leurs lieux d’enfouissement sont suffisamment profonds pour décourager d’éventuels pilleurs : et ces profondeurs sont aussi celles que les flammes des plus violents incendies ne peuvent atteindre…

Par ailleurs, l’un des bienfaiteurs des Manzanita Californiennes, le rat-kangourou, peut se passer toute sa vie de points d’eau : en effet, son organisme oxyde l’hydrogène contenu dans sa nourriture, le transformant automatiquement en eau.

Appuyée par d’autres mécanismes naturels, ce n’est probablement pas un hasard si la Californie est la région planétaire où ont été enregistrées le moins de disparitions d’espèces végétales durant les derniers 45 millions d’années.

 

Autres agents des forêts, les bousiers. Plus de 5000 espèces de ces coléoptères se nourrissent d’excréments (et leurs larves également) de divers animaux, et favorisent ainsi des activités microbiennes stimulant les sols de nombreux écosystèmes, dont les forêts.

De surcroît, chacun de ces insectes peut soulever une masse d’excréments pesant 1141 fois son propre poids (comme si un humain de 70 kgs portait une charge de 80 tonnes… ), ce qui contribue à assurer aux forêts une régénérescence permanente.

Mais ce processus est interrompu lorsque les pratiques sylvicultrices conduisent à des enlèvements excessifs de bois mort : les œufs qu’y pondent les bousiers partent avec.

D’une manière plus générale, priver les forêts de bois mort, dont la décomposition permet, entre autres, l’action des champignons lignicoles, entrave la germination de graines de diverses essences, et empêche finalement la reconstitution des surfaces forestières.

Les chênes, quant à eux, ont des systèmes racinaires plus larges que d’autres arbres : ils stockent ainsi davantage de réserves glucidiques, ce qui les rend plus robustes face aux flammes, d’autant qu’ils savent aussi susciter une végétation peu inflammable autour d’eux…

Les forêts naturelles résistent d’ailleurs beaucoup mieux à ce type d’évènement : où que ce soit sur la planète, 3 incendies d’un même massif forestier en 50 ans aboutit à y multiplier par 2 le nombre d’espèces végétales, de même que 3 années successives de sécheresse ne lui cause que peu de dommages.

À l’inverse, les surfaces en sylviculture souffrent dès la première survenance d’un de ces phénomènes, d’autant qu’un des principes de durabilité,  à savoir n’abattre que 5 arbres/hectare tous les 30 ans, est bien peu souvent respecté.

Les  mécanismes naturels ci-dessus décrits ne représentent qu’une infime partie de ceux régissant les forêts : il n’est alors pas surprenant que l’individu le plus âgé vivant actuellement sur la planète soit un houx royal présent en Tasmanie depuis… 43000 ans.

 

Sources :

- Low extinction rates made California a refuge for diverse plant species, traduit en Français sur Science Daily.com,  09.01.2013.

- A biology whodunnit : are rodents helping protect trees from fire ? Traduit en Français sur Physorg.com, 12.11.2009.

- Beetle dung helps forests recover from fire, id, Phys, 29.11.2007.

- Case Western Reserve University biologists suspect lightning fires help preserve oak forests, id, Phys, 13.12.2006.

 

Produits et comportements  « verts » (6) : modernes Indulgences

En Europe, entre les 10e et 16e siècles, les Indulgences permettait aux pécheurs de monnayer leurs péchés auprès de l’Eglise, qui les absolvait après qu’ils lui eussent versé une somme d’argent.

En matière environnementale, il semble que ce système ait gagné la terre entière.

Par exemple, plus de 100000 sites mondiaux, soit 12 % de la surface planétaire, sont actuellement protégés.

Ce modeste pourcentage serait malgré tout satisfaisant si les protections étaient effectives : mais cela est loin d’être le cas, des activités étant pratiquées sans vergogne à l’intérieur de ces espaces.

Ainsi, en Afrique, 1 site protégé sur 10 est classé « en péril » depuis 20 ans, du fait d’exploitations minières et pétrolières.

42 forages gaziers et pétroliers parsèment bons nombres de parcs naturels Américains, y occasionnant des déversements massifs de naphtalène et benzène.

 

En France, 34 % des Zones Protégées Spéciales et 19 % des Zones Spéciales de Conservation sont dégradées par des activités humaines : urbanisation et routes en Aquitaine, aménagements touristiques dans l’île de Noirmoutier, structures récréatives dans la Manche, circulation de motos et quads partout, etc… Les bordures des sites protégés sont également très prisées.

Ainsi, 60 aires préservées de 36 pays ont vu leur biodiversité diminuer et le nombre d’incendies augmenter à leurs orées, comme si les protections accordées à l’intérieur des zones protégées favorisaient l’indulgence quant aux activités pratiquées à leurs abords immédiats.

 

Dans la mer Tyrhénienne, 10000 bateaux (croisières, transporteurs de produits toxiques…) longent chaque année 3 parcs nationaux marins italiens.

Le plus ancien parc naturel Français, celui de la Vanoise, n’est pas en reste : les 535 kms2 protégés justifient les 1464 kms2 dévolus à « l’or blanc »  (Val d’Isère, Tignes, La Plagne, Courchevel, Val Thorens ) rapportant 2 milliards d’euros chaque année.

Par ailleurs, les impacts d’activités pourtant situées très loin des sites préservés ne sont pas non plus négligeables.

 

Aux Etats-Unis, 38 parcs nationaux sont investis par des quantités massives d’azote issu d’engrais chimiques : par exemple, 13,6 kgs/ha (au lieu de 5,5, limite à ne pas dépasser) envahit chaque année les forêts du Great Smoky Mountains (dans les Apalaches), ou 6,7 kgs/ha (au lieu de 4,8) affectent les lichens du Mont Rainier (état de Washington).

Quant aux parcs nationaux Californiens, ils voient la rainette faux-grillon (un amphibien) contaminée par le tébuconapole, la simazine, et un sous-produit du DDT, du fait d’activités agricoles intensives se déroulant pourtant à des centaines de kilomètres de ces zones protégées.

La pêche « durable «  est aussi bien souvent destructrice d’espèces marines que la pêche industrielle.

C’est ainsi que la capture limitée de 20000 espadons/an s’accompagne de prises « accidentelles » de 100000 requins, 1200 tortues Cahouanne, 170 tortues Luth, etc…, pour la plupart d’entre eux rejetés morts à la mer par des pêcheries pourtant dûment labellisées « écologiques ».

La pratique du chalutage et la capture de quantités de poissons bien supérieures à celles autorisées par ce type de label ne sont pas rares non plus.

C’est le cas par exemple aux U.S.A. où :

- 1 million de tonnes de goberges (appelées lieux noirs ou colins en Europe) est pêché chaque année en mer de Béring, alors que leur stock a baissé de 64 % entre 2000 et 2009,

- de massives quantités de krill (de petits crustacés transparents) sont prélevées en Antarctique pour alimenter des élevages de poissons, mais aussi de porcs et volailles…,

- les bars certifiés « durables « proviennent de toutes les mers du Monde, alors que seuls ceux capturés autour de l’île subantarctique de Géorgie du Sud ont droit à cette appellation.

Etc…

 

Quant aux forêts, le maître-mot est l’acronyme « redd » (réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) qui se propose de lutter contre le déboisement planétaire, source d’ importante libération de gaz de serre.

Du Pérou à l’Indonésie, de Panama à la ceinture forestière de l’Afrique Centrale, les populations en occupant les forêts depuis des centaines ou des milliers d’années, vilipendent cette initiative mondiale, faisant remarquer, à juste titre, que leurs modes de vie ont toujours préservé les forêts dans lesquelles ils vivent, et que des O.N.G. n’ayant jamais vécu dans des forêts peuvent difficilement leur dire ce qu’il faut faire pour éviter la déforestation… 

De fait, depuis 2007 que ce mécanisme existe, il y a toujours chaque année 13 millions d’hectares de forêts qui disparaissent, comme avant…

En revanche, depuis 2007 que le REDD est en place, les consultants de bureaux d’études et d’ONG se sont déjà partagés la coquette somme de 5,2 milliards d’euros, rejoignant ainsi le long cortège d’émoluments confortables versés à des « experts » en technologies « vertes » irréalistes (énergies « propres »,  véhicules électriques, carburant algal, avion solaire, hydrogène, etc…).

 

Sources :

- Forêts tropicales : les ratés d’un plan de sauvetage, Le Monde, 15.11.2013.

- Unregulated agricultural ammoniac threatens National Park’s ecology, Phys., 10.10.2013.

- Pesticides contaminate frogs from Californian National Parks, Phys., 26.07.2013.

- « Sustainable fishing » certification too lenient and discretionary, Phys., 10.04.2013.

- Dans la Vanoise, l’or blanc contre le parc naturel, Le Monde, 13.10.2012.

- There will soon be oil and gas drilling in up to 42 National Parks, traduit en Français sur Treehugger.com, 13.09.2012.

- Researchers say tropical protected areas are struggling to sustain their biodiversity, Phys., 15.08.2012.

- Protected areas face threats in sustaining biodiversity, Phys., 25.07.2012.

- Les périls se multiplient sur les sites naturels du patrimoine mondial, Le Monde, 28.06.2012.

- Costa Concordia : le débat sur la protection du littoral relancé, Le Monde, 24.01.2012.

- Eco-labeled seafood is not always what it seems, Phys., 22.08.2011.

- Encore trop de zones protégées dégradées en France, Actu-Environnement, 12.07.2011.

- Seafood stewardship questionnable, Phys., 01.09.2010.

 

A la vie, à la mort

La lutte pour la vie entre individus de même espèce mise en valeur par Darwin fait souvent oublier leurs multiples comportements solidaires, comme beaucoup d’autres en matière de nourrissage, de défense collective ou d’hommage funéraire.

C’est ainsi que les mésanges à longue queue voient leurs nids périodiquement vidés des œufs qu’ils contiennent par des pies, belettes,…

Soit les victimes de ces infortunes peuvent renidifier, soit la saison de reproduction est trop avancée, rendant impossible une telle occurrence : en ce dernier cas, ces malchanceuses aident à nourrir les oisillons de celles n’ayant pas eu leurs nids dévastés.

Dans le lac Tanganyka, en Afrique Australe, les cichlidés, des poissons de petite taille, sont monogames.

Pourtant, leurs alevins sont alimentés et protégés indifféremment par leurs parents ou d’autres cichlidés n’ayant aucun lien de parenté avec eux.

Cette pratique assure un plus grand nombre d’alevins non mangés par des prédateurs que celui atteint par d’autres espèces de poissons dépourvues d’un tel comportement.

Dans l’Ouest de l’Amérique du Nord, les écosystèmes herbacés attirent les chiens de prairie, mammifères proches des marmottes.

Ils construisent des réseaux de terriers dont ils précisent les orientations afin qu’elles leur fournissent une climatisation naturelle.

Ces réseaux sont souvent réunis en villages qui communiquent les uns avec les autres sur des distances pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres.

Malgré une vigilance aigue, ils ne peuvent empêcher qu’un certain nombre de femelles soient tuées par des coyotes, rapaces… : lorsqu’il s’agit de mères de chiots, d’autres femelles, avec et sans liens de parenté, prennent toujours le relais quant à l’allaitement des orphelins.

Par ailleurs, chaque individu attend que leurs parents plus âgés aient disparu avant de partir vers d’autres territoires.

 

Dans le bois de Whytham, en Angleterre, de patientes observations ont montré que les mésanges charbonnières se connaissant depuis au moins un an assurent une défense collective des nids attaqués par des prédateurs : même celles nichant loin des lieux d’agression déboulent à tire d’aile pour aider à bouter les intrus.

À l’Ouest des Etats-Unis, lorsqu’un geai remarque un congénère décédé, il lance de spécifiques appels stridents qui ont pour effet de rassembler ses congénères d’alentours à proximité du défunt : environ 30 minutes de lugubres pépiements se font alors entendre, avant que chaque oiseau ne reprenne le cours de sa vie.

 

Sources :

 - Long-tailed tits help each other out, Phys., 21.03.2013.

- Risk management in fish : how cichlids prevent their young from being eaten, Phys., 19.03.2013.

- Prairie dogs disperse when all close kin have disappeared, Phys., 07.03.2013.

- Western scrub jay call their friends to “funerals”, Treehugger, 12.09.2012.

- Great tits join force to defend neighbours’ nests, Phys., 21.08.2012.

- Birds benefit from knowing their neighbors, Phys., 13.12.2011.

 

JEAN-LUC MENARD