Ce n’est pas moi, c’est l’autre

Lorsqu’il s’agit de rejeter la responsabilité de déboires environnementaux sur d’autres espèces, bon nombre d’humains font preuve d’une imagination sans guère de limites.

Ainsi, la hausse de 0,90 degré de la moyenne des températures australiennes entre 1880 et 2013 serait due avant tout… aux chameaux redevenus sauvages au début du 20e siècle, car abandonnés au profit du transport ferroviaire.

De quelques milliers alors, ils sont aujourd’hui 1,2 million, le lent métabolisme des camélidés expliquant qu’ils ont moins besoin de nourriture pour prospérer, comme c’est le cas dans les déserts de l’outback Australien.

Ce faisant, le méthane rejeté via leurs rôts s’établit également à peu de choses : 45 kg/individu/an (soit l’équivalent d’une tonne de co2), ne justifiant pas la préconisation d’abattage massif de cette population animale sauvage faite par les actuels dirigeants de ce pays.

Ces derniers feraient plutôt mieux de considérer les éléments suivants comme contributeurs majeurs au réchauffement, tant global qu’australien.

- Chaque Australien émet 21 tonnes de co2/an (chaque chameau : 1 tonne/an, soit 21 fois moins), et occupe ainsi la première place mondiale (devant l’Américain, le Canadien, etc…).

- Depuis 1850, l’Australie a émis 12 milliards de tonnes d’équivalent co2 (les chameaux : 100 millions de tonnes, depuis leur introduction vers 1880).

- Le boom de l’exploitation charbonnière depuis l’an 2000 fera que le contenu de ces nouvelles mines représentera 51 milliards de tonnes d’émissions supplémentaires de co2.

ETC…

 

Les pêcheries opérant dans l’océan Arctique se plaignent en ce moment que des espèces « inhabituelles » l’« envahissent », créant des « dommages » aux stocks de poissons.

Là encore, ce sont plutôt à des comportements humains inappropriés qu’une telle situation est due :

- la surconsommation : chaque humain ingurgite aujourd’hui 6 fois plus de poissons qu’en 1950, alors que la population mondiale a été multipliée, dans le même temps,  par 2,8. En d’autres termes, et à l’instar de bien d’autres consommations humaines, la démographie par elle-même n’est responsable que de moins de la moitié de cette progression ;

- les dirigeants de ces pêcheries Arctiques déclarant 75 fois moins de prises qu’ils n’en font réellement, il n’est guère surprenant que les stocks de poissons soient alors « endommagés »…

 

Les dindons sauvages sont vus d’un mauvais œil, car ils sont censés saccager toute culture qu’ils rencontrent. En réalité, à l’exemple de plusieurs centaines d’autres espèces sauvages, ils contribuent plutôt à les assainir, en mangeant insectes et adventices que les substances chimiques produites par les humains ne parviennent pas à réguler.

Les castors accroissent le réchauffement climatique : en effet, les bois des barrages qu’ils abandonnent se décomposent sous l’eau, libérant 2,7 millions de tonnes de méthane chaque année.

Faut-il rappeler que les végétaux ennoyés des 850 000 lacs de retenue des barrages humains émettent, chaque année aussi, plus de 300 millions de tonnes de méthane…

 

Dans l’état de New York, la population des cygnes tuberculés a été multipliée par 3 en 30 ans, conduisant les « autorités » à abattre ou emprisonner 2200 d’entre eux, aux motifs :

- qu’ils attaquent les humains (autant que les milliers d’humains qui en agressent d’autres dans l’état de New York ?) ;

- qu’ils menacent les avions : mais ces derniers constituent une bien plus grande menace pour le climat.

En 90 ans d’activité, le trafic aérien a eu un apport radiatif égal à la moitié de celui du soleil depuis 1750, entre autre via les traînées de chaque appareil qui réchauffent l’atmosphère pendant 5 heures.

Et comme il y a 35000 avions qui volent chaque jour…

Visiblement, les cygnes ne perturbent guère ces vols planétaires…

- qu’ils détruisent la végétation : ce reproche est particulièrement inopportun dans la mesure où les cygnes tuberculés régulent une plante à la prolifération généreuse, l’Elodée du Canada.

Partout en expansion (en particulier dans l’état de New York…), sa présence augmente le potentiel hydrogène de tout plan d’eau, ce qui est souvent fatal aux poissons qui s’y trouvent.

Par ailleurs, environ 400 000 individus, appartenant à de multiples espèces aviaires aquatiques, mangent des plantes submergées dans l’état de New York, contribuant ainsi, avec les cygnes, à neutraliser les émissions de méthane inhérentes à toute végétation ennoyée.

 

En Europe, les blaireaux sont en butte à la vindicte des éleveurs de bétail, car ils sont présumés répandre Mycobactérie Bovis.

Cette bactérie cause la tuberculose bovine dont les recrudescences sporadiques déclenchent à chaque fois une blaireauphobie aiguë.

Pourtant, cette présomption de culpabilité résiste peu à l’examen :

- souvent, les épidémies concernent simultanément des élevages situés à des dizaines de kilomètres les uns des autres.

Or, entre 2008 et 2012, une observation réalisée en Irlande sur 755 km2, a révélé :

 - qu’un seul des 963 blaireaux pistés s’était déplacé à plus de 22 kms de son terrier,

 - 48 à 7,5 kms,

 - 914 à 2,6 kms.

Leurs responsabilités dans les déclenchements simultanés de tuberculose bovine à des lieux très éloignés ressortent alors comme peu probables.

- En Grande Bretagne, sur 500 000 contacts blaireaux/bovins examinés sur une période de 12 mois, seulement 4 d’entre eux se sont déroulés à moins d’1,40 mètre, distance considérée comme propice à une éventuelle transmission de mycrobacterium bovis.

- Les périodes qui ont suivi des abattages massifs de blaireaux n’ont enregistré aucune diminution des épidémies : au contraire, les quatre années suivantes ont vu ces pathologies multipliées par 2.

Au total, il semble plutôt que des surconcentrations dans des espaces trop exigus maintiennent mycrobacterium bovis dans des conditions favorables à une prévalence régulière de cette maladie.

 

Sources :

- Camels emit less methane than cows or sheep’s, Physorg, 10.04.2014.

- Europe’s largest badgers study finds rare long-distance movements, Phys, 07.03.2014.

- NY declares war on swans, Phys, 31.01.2014.

- Stowaways threaten fisheries in the Arctic, Phys, 04.11.2013.

- Geoscientists find beavers play a role in climate change, Phys, 18.07.2013.

- Most coal must stay in ground to save climate, Phys, 17.06.2013.

- Wild turkey damage to crops and wildlife mostly exagareted, Phys, 05.06.2013.

- New research finds that cattle and badgers with tb rarely meet Phys, 28.03.2013.

- Localized reactive badger culling raises bovine tuberculosis risk, Phys, 13.07.2011.

- « Kill a camel » to cut pollution concept in Australia, Phys, 09.06.2011.

- Aussie « farting camels » cull under attach, Phys, 04.07.2011.

- Airplane contrails worse than co2 emissions for global warming, Phys, 31.03.2011.

- Benefits of badger culling not long lasting for reducing cattle tb, Phys, 10.02.2010.

- Australia overtakes US as biggest polluter, 11.09.2009.

 

Produits et comportements “verts”(8) : le carburant algal

Produire du carburant grâce à l’huile contenue dans de nombreuses espèces d’algues peut sembler être une alternative séduisante au pétrole.

Mais l’examen des diverses modalités d’une telle opération révèle une réalité moins souriante.

Si l’algoculture se déroule dans des bassins à ciel ouvert, il faut des zones où l’eau soit abondamment disponible, à l’abri des aléas météorologiques et thermiques, aux espaces plats, etc… : celles qui remplissent toutes les conditions ne sont pas légions.

De plus, de voraces mangeurs d’algues (protozoaires, amibes, rotifères,…) ne tardent pas à converger vers ces lieux de délices, et comme ce sont des organismes minuscules, les en empêcher est bien difficile.

Par ailleurs, afin que l’huile qui en soit tirée remplace une proportion significative des carburants d’origine pétrolière actuellement utilisés, il faudrait obtenir une récolte de 350 grammes/m2 chaque jour : or, le rayonnement solaire atteignant la surface de la terre ne permet de réaliser que 50 gr/m2 chaque jour…

Alors, cultiver des algues en milieu fermé ?

Mais la nécessité de fournir un ensoleillement artificiel par une lumière électrique qui doit rester allumée 365 jours et nuits chaque année ne manque pas de menacer de surchauffe les algues ainsi cultivées.

C’est pourquoi chaque bassin de culture doit être doté de plusieurs milliers de refroidisseurs… fonctionnant eux aussi à l’électricité.

Si l’on ajoute celle nécessaire à la déshydratation des algues, à l’extraction et au raffinage de leurs huiles, l’énergie consacrée à la totalité des phases de production est supérieure à l’énergie obtenue.

 

De surcroît, les impacts environnementaux ne sont également pas négligeables :

- l’extraction d’huile s’effectue à l’aide d’une substance chimique, l’hexane, hautement toxique pour les systèmes nerveux humains ;

- la très grande quantité d’eau obligée fait que chaque kilomètre parcouru par un véhicule roulant au carburant algal nécessite l’utilisation de 18 litres (contre 0,11 litre pour un véhicule à essence) ;

- pour qu’elle remplace la totalité des carburants utilisés dans l’Union Européenne, il faudrait vouer à l’algoculture une surface équivalente à celle du Portugal.

Plutôt que de se lancer dans une aussi vaine entreprise, l’espèce humaine serait plus inspirée de tirer parti de ce que ces végétaux font le mieux : l’absorption du dioxyde de carbone et des eaux usées stimulent en effet la croissance de la plupart des 50 000 espèces d’algues connues (sur 200 000 existant probablement).

Cette imposante biomasse peut alors être utilisée comme engrais, propre à amender bien des sols, ou comme l’une des composantes de l’alimentation des animaux d’élevage.

 

Sources :

- Les contraintes géographiques de l’algoculture, Sophie Bresc-Litzler, thèse, 2013.

- L’Europe en quête de carburants vraiment verts, Le Monde, 23.02.2013.

- Large-scale production of biofuels made from algae poses sustainability concerns, Physorg, 24.10.2012.

- Environnemental impact of algae-derived biodiesel and bioelectricity for transportation, Environnemental Science and Technology, 20. 07.2011.

- Algae could replace 17 per cent of US oil import, Phys, 13.04.2011.

- Sustainability of algae derived biodiesel : a mass balance approach, Newswise, 05.04.2011.

 

 

Sans dopage

De très nombreuses espèces sont à créditer de performances exceptionnelles qui se confondent avec leurs quotidiens, et ce sans avoir recours à la moindre substance dopante.

Par exemple, les serpents de mer dits à ventres jaunes vivent en permanence dans les océans… mais ne peuvent malgré tout se désaltérer en buvant de l’eau de mer, toxique pour leurs organismes.

Ils doivent se contenter de la part d’eau de pluie qui reste quelque temps à la surface des mers… et rester environ 7 mois sans boire, attendant la saison des précipitations.

Les martinets des Alpes passent chaque année 200 des 365 jours en vol sans se poser.

Ils couvrent ainsi 10 000 kms sans s’arrêter, se nourrissant de ce qui flotte dans l’atmosphère : spores de champignons, graines emportées par les vents, petits insectes, bactéries (des milliards d’individus de ces espèces ne vivent que dans l’atmosphère), etc…, l’eau contenue dans ces aliments suffisant à leurs besoins hydriques.

 

Aux USA, une fourmi Allegheny, très commune là-bas, peut soulever une charge pesant jusqu’à 5000 fois son propre poids : c’est comme si un humain de 80 kg parvenait à élever sans peine 400 tonnes.

Dans tous les océans et mers, les baleines dites à bec plongent jusqu’à 3200 mètres de profondeur, y restent plus de 2 heures, remontent à la surface pour n’y passer que 2 minutes, avant de s’enfoncer à nouveau dans les abysses.

Propre à la Californie du Sud, l’acarien Paratarsotomus Macropalpis évolue le long de rochers, comme sur des trottoirs urbains dont les surfaces affichent couramment 60 degrés de température.

Chaque seconde, il parcourt une distance équivalente à 322 fois la longueur de son corps, (ce qui équivaudrait pour un humain à courir à 2000 kms/h).

ETC…

 

En revanche, les plus de 5 litres d’oxygène passant chaque minute dans les organismes de bon nombre d’hommes à vélo sur les routes de France chaque mois de juillet ne relèvent pas de performances naturelles.

En effet, lors d’un effort physique, les organismes humains ne peuvent absorber que :

- 2, 25 litres d’oxygène pour un sujet en bonne santé,

- 4, 50 litres pour un athlète accompli.

Ces valeurs constituent des limites physiologiquement indépassables… sauf usage de stimulants autant artificiels qu’illicites.

En outre, la puissance pulmonaire maximale ne permet pas à des athlètes accomplis de déployer des efforts physiques dépassant l’équivalent de 400 watts.

Or, durant les 20 derniers Tours de France, ce sont entre 413 et 495 watts qui ont bien souvent été mesurés, notamment dans les ascensions :

- 428 watts pour Vincenzo Nibali à Hautacam en 2014,

- 444 watts pour Nairo Quintana dans le col de Semnoz en 2013,

- 446 watts pour Christopher Froome dans le col d’Ax 3 la même année.

ETC…

 

Sources :

- Nibali, dernier « surhumain » avec ses 417 watts, Le Monde, 26.07.2014.

- Mite sets new record as world’s fastest land animal, Physorg 30.04.2014.

- Cuvier’s beaked whales set new breath-hold driving records, Phys, 26.03.2014.

- Sea snake can live up to seven months without drinking, Phys, 19.03.2014.

- With their amazing necks, ants don’t need “high hopes” to do heavy lifting, Phys, 10.02.2014.

- Study shows Alpine swift can stay aloft for 200 days, Phys, 09.10.2013.

- Avec 413 watts de puissance moyenne, Froome fait mieux qu’Armstrong en 1999, Le Monde, 23.07.2013.

 

   JEAN-LUC MENARD